Vous l'avez certainement lu, entendu, l'écriture cursive est peut-être en train de disparaître... Nous faisons dorénavant partie de ces dinosaures, ces ancêtres poilus (voir plus bas) qui gardent le réflexe d'une prise de notes volée et jetée sur un morceau de papier.
Cette idée me rend perplexe, pour ne pas dire triste. Que l'on soit un jour, incapable de graver son prénom avec celui de son amoureux sur le tronc d'un arbre, d'écrire une citation sur les murs des toilettes ou de s'amuser à dessiner un message sur le sable, l'abandon de l'écriture m'apparait d'abord comme un attentat à la créativité et à la poésie... Bien sûr, je sais bien qu'un SMS rédigé en Novlangue relève parfois parfois d'un style post-moderne; mais quand même, ça compte la poésie, ces petits instants suspendus à des mots posés, réfléchis et soupesés à l'allure d'un souffle fragile.
Que l'écriture cursive ne soit plus enseignée me gêne, je n'aurais probablement pas le plaisir de lire une lettre manuscrite de mes petits-enfants, et eux, ne connaitront pas le bonheur de recevoir un courrier parfumé, une missive enflammée, de lire une déclaration qu'ils pourront précieusement conserver dans un portefeuille durant plusieurs années. Mes carnets de voyage resteront fermés et inaccessibles, privant leurs lecteurs de témoignages d'autres mondes, d'aventures émotionnelles et de rencontres épiques. C'est comme cela, je dois me faire une raison...
Les petits mots de mes enfants, les lettres de ma femme, de mes grands-parents, de ma famille, de mes parents, amis sont mes trésors... Bien plus que je ne sais quel sms, e-mail m'annonçant une fantastique nouvelle. J'ai précieusement conservé les enveloppes, les papiers vieillis gardent le sillon d'un pliage, d'une attention, d'un temps que d'autres m'ont accordé, un temps relatif, qui dure plusieurs années, un temps pendant lequel ceux que j'aime posaient des mots qui aujourd'hui encore me touchent, physiquement, comme ces lettres que je tiens dans ma main...
Un mot en attaché... |
Oh, bien sûr, il y a bien longtemps que je ne reçois plus de lettre - à part bien sûr les lettres de motivations ! A part en fin d'année, une petite carte de voeux... et encore ! L'écriture, même si elle ne voyage plus, reste pourtant le vaisseau le plus formidable qui soit pour se lancer dans l'aventure personnelle d'une exploration au long cours, celle de sa propre personne. Ecrire, c'est poser le monde, son monde et l'observer sous toutes ses coutures. L'écriture cursive prend alors la forme de collines et de vallées, de pics et de nuages, le paysage de pensées aussi subtiles que personnelles...
Cette écriture cursive fait de nous des artistes, traduisant le monde des rêves en une réalité chahutée, empreinte et gravée pour l'observer dans un temps coupé et interrompu. Avez-vous remarqué comme l'écriture stoppe l'écoulement du temps, comme elle renforce le sentiment de présence, comme si l'encre prolongeait notre expérience physique pour honorer le mouvement de notre main et le célébrer pour l'éternité.
Je ne connais pas mieux que l'écriture pour prendre de la distance, discerner, réfléchir... dans plusieurs dimensions, que dis-je, dans toutes les dimensions... Alors si plus personne n'apprend à écrire de façon manuscrite, ces dimensions resteront bien ternes, exprimées en caractères binaires. Ceux qui se souviennent garderont le privilège de voyages insensés, ceux qui nous rapprochent tant de nous, de nos sentiments, de nos émotions, de nos sens...
Je ne sais pas s'il s'agit d'un progrès de l'humanité de savoir aller vite, de ne rechercher que le plaisir à consommer, se concentrer uniquement sur "l'essentiel", de stocker des informations selon les modèles bien pensant... prendre des notes, pour quoi faire du reste, quand wikipédia se souvient de tout à notre place, tout est tellement plus simple quand il s'agit juste d'aller chercher l'information là où elle se trouve... L'écriture cursive, c'est le cimetière des éléphants, les idées, les concepts y retournent pour que l'on garde, tous, quelque part, une trace, un endroit dont nous connaissons intuitivement l'existence, c'est peut-être là que se crée la mémoire collective, celle qu'ont perdu, petit-à-petit les habitants de Macondo.
Dessin par un homme de Néandertal |
Quel rapport avec le coaching emploi...? Me direz-vous...
Puisque je considère l'écriture cursive comme un véritable moyen d'explorer ses propres territoires, connus et inconnus, nous retirer cette liberté en détruisant sa transmission et son enseignement, nous prive d'un droit fondamental... penser et agir par nous-même, sans obéir à aucun cadre, retrouver le pouvoir créateur par l'écriture, le pouvoir de décider quelles intentions nous manifesterons dans nos vie uniques...
A vos stylos !
Lire aussi :
L'écriture cursive possède un âme... Il est dommage de laisser se perdre de si belle traces humaines !
RépondreSupprimerJe partage tout à fait votre avis et j'espère sincèrement que le bon sens commun permettra de ne jamais franchir ce cap du rejet d'une belle lettre "faite main".