Coaching CV

Je n'aime pas les tests de personnalité, et je n'y crois pas un seul instant

J'ai tous les âges de la terre


"Je suis capable de tout, du meilleur comme du pire, je possède une multitude de facettes, tout et son contraire. J'ai plusieurs âges en même temps, parfois jeune, naïf, intenable mais parfois aussi, sage, hyper-mature, comme si je percevais la totalité des secrets du monde qui m'entourent, contenant en moi l'âme de l'humanité. Je reconnais tout cela en moi, et plus j'avance, plus je me rends compte que je suis tout sauf un profil, une définition figée pour l'éternité… d'un recrutement aléatoire ou d'une carrière brisée par je ne sais quel expert en personnalité."

J'ai travaillé directement avec plus de 4.500 personnes en développement personnel à l'occasion de séances de coaching emploi. La phrase débutant ce billet aurait pu être prononcée, à peu de choses près, par chacune d'entre elles. Plus je me connais et plus je m'éloigne d'une définition précise parce que je comprends que cette dernière repose sur un ensemble d'éléments qu'il me convient d'explorer, un à un, avant de commencer à savoir qui je suis. "Je sais qu'on ne sait jamais" comme dirait Gabin.

Tout comme vous, j'entends parler, de ci de là de l'efficacité des tests de personnalité, notamment dans le cadre professionnel, de l'émergence de logiciels formidables, qui, s'appuyant sur des milliers d'analyses de comportements, peuvent parfaitement définir ce que nous sommes, notre comportement et même déterminer notre avenir. Le Big Data serait l'efficience absolue en terme de définition de personnalité. Pratique non ? 

les tests de personnalité ne sont pas fiables


Voilà exactement le genre de propos qui me fait froid dans le dos. Ce même dos qui refuse tant les étiquettes et qui lutte contre le fait d'être défini comme un vulgaire produit. Croyez vous réellement qu'une définition de ce que vous êtes, de votre personnalité a du sens ? Ne sommes nous pas en interdépendance de tout ce qui nous entoure, ne sommes nous pas un maillon, un élément d'un schéma bien plus complexe qu'il n'y parait ? Comment admettre l'idée d'être "défini" par un test de personnalité issu d'analyses et de traitements statistiques sans tenir compte de tout ce qui est autour de nous, notre culture, notre expérience, nos relations, nos croyances, nos valeurs, notre histoire ? Sans tenir compte non plus, qu'il nous arrive de répondre n'importe quoi aux questions incompréhensibles, ou d'essayer de cocher ce qui semble le plus "vendeur".

Ce que je reproche dans la plupart des tests de personnalité, c'est qu'ils ne tiennent jamais compte du contexte, non pas celui de la pièce dans laquelle vous répondez aux questions* mais bien de celui dans lequel vous évoluerez.  Vous savez, cet historique de l'entreprise qui n'est que très rarement connu et assumé ou toujours relaté de façon très… partiale, la prise en compte de l'état d'esprit de certains collaborateurs, les mécontentements internes, la clientèle, les pannes logiciel, "ça rame depuis qu'ils ont changé le serveur..." etc, etc…. , c'est-à-dire tout ce qui parasite et ne permet pas d'utiliser pleinement ses compétences et capacités.

Les tests de personnalité ne tiennent pas compte de l'historique de l'environnement


Rien de ce qui concerne ces éléments impalpables de l'entreprise n'est injecté dans le test. Imaginez un instant un test prenant en compte le fait que personne dans l'entreprise ne s'entend, qu'il existe une lutte effroyable entre différents services, que le turnover s'est accéléré (d'ailleurs, sans que les raisons aient été finement analysées…), qu'un dirigeant est parachuté ou adepte du corporatisme, que le taux de service a chuté de 25% en deux ans… vous savez, tous ces éléments qui font le quotidien de nos entreprises. 

Alors comment mesurer et déterminer mon comportement et mes capacités s'il n'est pas finement (et honnêtement) analysé au travers de ce qui se passe aujourd'hui dans l'entreprise, de ses forces, de ses blessures, de ses névroses, de son potentiel non révélé et non exploité ? Il s'agit alors d'un test de personnalité qui n'a rien à voir avec la réalité de l'entreprise, c'est celui d'une personnalité qui s'exprimerait dans le meilleur des mondes, celui des manuels scolaires, celui qui ne sent pas la sueur et qui semble si déconnecté du quotidien. 
Vous connaissez mon point de vue, le succès de l'intégration d'un nouveau collaborateur dépend de la capacité de l'entreprise à bien l'accueillir et à mettre en oeuvre toutes les conditions lui permettant de prendre son envol. Le reste n'est qu'anecdotique.

L'autre point, c'est cette tendance à mettre en place des procédures coûteuses - et ni plus ni moins efficaces que d'autres - s'entourant d'un maximum de précautions destinées à limiter le plus possible la responsabilité d'un échec du recrutement.
"Si je me plante, ce n'est pas complètement de ma faute, c'est surtout à cause du test de personnalité que j'ai suivi parce qu'il est mentionné dans la procédure F457-3 du manuel de management…". 
Exaspérant. Chers recruteurs, familiarisez-vous avec la notion d'échec du recrutement
Un test de personnalité ne constitue pas une aide au recrutement. Il embrouille et limite, mais surtout il déresponsabilise celui qui n'est plus à même ou plus autorisé à prendre une décision professionnelle. Je fais partie de ceux qui pensent que la crise majeure que nous traversons dans les entreprises est essentiellement une crise de responsabilité, au nom du Saint risque zéro, de la qualité totale, nous fabriquons des personnes, des cadres, des managers de moins en moins encouragés à prendre - en responsabilité, c'est à dire en dehors des procédures - une décision pour l'entreprise, surtout quand elle est grande ou engagée dans une démarche de maîtrise de tous ses process internes


*quoique… : une entreprise bien connue spécialisée dans les tests de personnalité a voulu me convaincre de la qualité de ses produits en me les faisant tester : à un temps de réponse long à une question précise, ils concluaient que j'avais hésité, cette hésitation a pondéré toute leur analyse… A aucun moment, ils n'avaient imaginé que ma connexion internet était lente, que l'ouverture de chaque question prenait du temps et que ce temps, je l'utilisais à faire autre chose…

5 commentaires:

  1. Ah les cases... ! :-)
    N'ayant rien à ajouter, je vais me rabattre à faire l'avocat du diable : on pourrait opposer, a contrario, que le test de personnalité idéal est [serait], non tant une description figée d'un profil - traits de personnalité limitatifs et immuables -, qu'une grille de lecture apte à révéler la plus ou moins grande perméabilité, précisément à tous ces éléments impalpables, qui participent du contexte et de la culture d'entreprise.

    Cette perméabilité pourrait être définie selon un double continuum comme le produit entre la conscience (prise de recul individuelle, capacité "froide" - rationnelle, systémique - à percevoir et définir ces règles intangibles, contextuelles et culturelles) et l'empathie (intégration du rôle social, capacité "collaborative" - émotionnelle, relationnelle - à accepter et jouer le jeu de ces règles intangibles pour le bénéfice commun) ?

    Merci de ce billet !
    Cordialement,
    CD

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    1. Merci Corinne pour ce commentaire ! Voici un test qui laisserait une place importante - et salutaire - à la subjectivité que l'on pourrait nommer "complexité humaine".
      Lorsque vous évoquez cette grille de lecture, je ne peux m'empêcher de penser au lecteur… et à sa propre capacité "froide" ou son empathie à analyser tant d'éléments complexes et subjectifs. La grille de lecture et le lecteur ne feraient qu'un.
      A bientôt Corinne

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  2. Ce genre de test qui vise à recruter des gens "formatés" n'a plus de sens dans la mesure ou de plus en plus, les salariés de l'entreprise ou d'une organisation sont amenés à devenir de véritables partenaires. La compléxité des processus et le développement des technologies a amené chacun à devoir développer des expertises, et à maitriser ces processus. Chaque partenaire a une connaissance pointue des procesus qu'il gère, et il est à même de pouvoir les analyser et à proposer des améliorations. Dès lors, il doit avoir la liberté de pouvoir s'exprimer, de pouvoir proposer, de confronter ses idées et en débattre. L'intelligence collective prend tout son sens, est et sera un des moteurs clef des entreprises et des organisations de demain.

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    1. Bonjour Eric, Merci pour votre message !
      Vous avez raison, définir une personnalité, c'est d'une certaine façon, l'enfermer dans un schéma, figé, définitif, un schéma souvent calqué sur une référence liée à sa propre expérience, sa façon de "voir" le monde… d'où le risque formidable de ne recruter que des profils apparemment "formatés".
      Merci encore de ce commentaire
      Pierre

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  3. Entièrement d'accord avec ça. Un bilan de compétence avec une psychologue RH réalisé, il y a pas mal de temps, n'a strictement rien donné. Le test MBTI m'a donné une meilleure approche de ma personnalité mais avant tout, je crois que l'on ne doit pas perdre le pouvoir de développer son potentiel sur plusieurs axes et sortir de notre zone de confort. Tout humain que nous soyons, avons en nous des capacités inexploitées et se faire enfermer dans des cases est vecteur de limitation de notre développement personnel.

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