Je diffusais récemment un article paru sur l'Express en Belgique dont le titre m'a profondément heurté : 'Nous sommes arrivés à une ère où l'on ne peut plus se permettre d'être un employé moyen'. Cet avertissement apocalyptique sonne comme un coup de tonnerre, nous sommes condamnés à l'excellence pour ne pas rester sur le bas côté, misère et déchéance à ceux qui ne sauront pas évoluer...
Cette idée, reprise par quelques leaders d'opinion (mais aussi par des chefs d'entreprises dites libérées) semble entrer dans les moeurs, se banaliser pour que finalement, l'on admette que l'excellence devient la norme. L'excellence dans le service, dans la prestation intellectuelle, dans la rapidité d'exécution, le travailler plus ayant atteint ses limites, on rentre dans l'ère du travailler mieux.
Intellectuellement, je peux comprendre (avec pas mal d'efforts) cette nécessité d'évoluer individuellement pour coller à une réalité (souvent virtuelle tout de même) galopante, haletante dont personne ne sait où elle nous mènera. En gros, changez, changez vite pour suivre les transformations inéluctables d'un monde dont on ne maîtrise pas grand chose... sauf quelques uns, ceux qui sont encore meilleurs qu'excellents.
Philosophiquement, je m'interroge... Est-ce là le type de société dans laquelle nous souhaitons vivre, une société qui rejette ceux qui ne sauront ou ne voudront pas s'adapter à un rythme effréné qui n'est pas le leur, un rythme court faisant voler en éclat les théories de Kondratiev, une société qui m'annonce que mes enfants seront écartés impitoyablement s'ils ne rentrent pas dans ce moule de l'excellence (moi qui les pousse à être de véritables rebelles, j'ai tout faux). Et puis entre nous, c'est quoi "moyen", être un employé "moyen", moyen par rapport à quoi, à qui ? Je vois là une forme d'ostracisme particulièrement chère aux fascimes de toute sorte, "toi tu es ok, toi, mets toi sur le côté, tu ne conviens pas à notre modèle...".
Bref, ce type de pensée me fait froid dans le dos, une dérive sectaire, discriminante dont les contours me paraissent tellement flous qu'ils semblent nous oublier, nous, pauvres moyens. Seth Godin, nous somme de changer rapidement, de nous remettre en question et travailler, encore et toujours mieux.
Soit, mais dans quel but ?
- Celui de la survie, résister aux sombres années qui nous attendent, faire partie des rares élus qui sauront profiter ou naviguer dans un système en faillite ?
- Celui de conserver coûte que coûte un système dont très peu profitent ?
Je vous souhaite à tous de faire partie de ces élus, mais entre nous, lorsque la société propose un modèle de survie plus que d'accomplissement, je crois qu'il est grand temps de se poser la question du "pourquoi" et de remettre en cause, non pas nos façons de travailler mais le sens de notre travail : avant de condamner le comment, pensons à bien identifier le pourquoi.
Enfin, je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec ce que j'entends de ci de là dans les sphères du recrutement, un candidat, en plus d'être excellent dans son métier doit savoir se faire remarquer et développer, d'une certaine façon, une compétence et aptitude à la vente ou au marketing... Un super candidat en somme, pardon, un excellent candidat! Je rejette cette vision, elle me semble dangereuse et porteuse d'injustices en tout genre, abandonnant à leur sort tous ceux qui n'auront pas la compétence marketing dans leur besace. Je crois à l'inverse que c'est au recruteur d'être excellent et de savoir détecter le talent "métier" d'un candidat.
En temps de crise, je suis plutôt porté par des notions d'effort, des efforts solidaires et certainement pas individuels. Alors plutôt que de subir le diktat des gourous en tout genre, je me dis qu'il reste aussi une option, celle du rejet de la société que l'on nous demande d'épouser.
é_è (soupir)
RépondreSupprimerVous vous présentez quand à la présidentielle monsieur Denier ?! Moi je vous suis!
Hello Magali ! Yess, ma première électrice :)
RépondreSupprimerMerci d'avoir pris le temps d'écrire cet encouragement
A bientôt,
Pierre
ça fait longtemps que les entreprises jouent à ce petit jeux. La "Génération de l'excellence" ( http://amzn.to/ylg5Wa ) est sorti en 1986!! Quand l'emploi n'est pas trop tendu, il y a de toutes façons la place pour tout le monde. Dans certaines entreprises, les managers doivent trouver tous les ans 20% de gens à virer. Disons que c'est une gestion mathématique de l'excellence....dans une première approche - candide -, pourquoi pas? sauf que plus de 2 décennies après, on peut observer que les entreprises qui pratiquent systématiquement ça, ont fait autant d'erreurs que les autres et n'ont pas sur-performé. Donc #fail comme on dit sur twitter.
RépondreSupprimerj'ai lu ce matin quelque chose qui m'a bien plu: l'art du manager c'est de tirer le meilleur de l'équipe qui lui est confiée...quelle qu'elle soit. mais ce n'est valorisé qu'en période de pénurie de main d'ouvre...
Pour ce qui concerne nos enfants, il faudrait aussi leur apprendre à trouver leur domaines d'excellence et à capitaliser dessus. Ils en ont tous, et non seulement, ils auraient un meilleurs avenir professionnel, mais ils auraient un meilleur avenir tout court : ils seraient plus heureux! non?
Merci pour cet excellent article. Je le trouve d'autant plus juste que cette course effrénée à une (supposée) excellence, "techniquement parlant" n'est même pas tjrs garante de réussir à mieux "naviguer dans le système". C'est une fuite en avant : elle est amenée à se heurter à un moment ou à un autre aux limites internes (le moteur d'énergie) ou externes (les dimensions du terrain de course) : au final, cela conduit tout de même bien souvent droit dans le mur. ;)
RépondreSupprimerJe crois comme vous que tabler sur une excellence frisant l'utopie quand on vit dans un monde d'humains normaux, est non seulement inepte et élitiste, mais aussi absurde, car cela revient à construire des modèles imaginaires, des concepts très jolis sur le papier... mais qui étonnamment ne marchent donc presque jamais dans la vraie vie. :)
Une fois encore merci pour ce très juste sentiment, je viens de laisser un commentaire sur votre article suivant précisant la difficulté d'être un excellent candidat.
RépondreSupprimerBravo
Ral-Yves