Partons à la rencontre de Jérôme Charpentier que j'ai découvert au travers de cet article paru dans l'excellent journal Sud-Ouest, article relatant l'expérience de recrutement par simulation d'une importante entreprise charentaise : Rémy Martin
HLC : Bonjour et merci de me recevoir ! Pourriez vous présenter en quelques mots ?
JC : Bonjour, je suis Jérôme Charpentier Responsable des Ressources Humaines et des relations sociales de l'entreprise Rémy Martin dont c'est la 287ème année d’existence et qui compte 350 collaborateurs répartis sur 4 sites principaux autour de Cognac et Boulevard Haussmann à Paris (groupe Rémy Cointreau).
HLC : Vous avez développé un partenariat avec le Pôle Emploi, un partenariat différent, qui fait plaisir puisqu’il met à l’honneur les personnes comme elles sont, avec leur parcours et leur compétences propres. Pourriez-vous nous décrire ce partenariat ?
JC : J'ai commencé à évoquer un partenariat avec la mission locale et le Pôle Emploi de Cognac en participant à une opération de parrainage destiné à ouvrir les portes de l’emploi à des personnes depuis longtemps exclues du monde du travail. Au travers de nos recrutements en intérim, nous avons souhaité donner une chance aux personnes éloignées de l’emploi et de les intégrer de façon volontariste dans le circuit professionnel. Leur redonner confiance et leur permettre malgré un parcours difficile de les remettre sur le chemin de l'emploi.
Dans un premier temps, nous avons donné la priorité aux jeunes qui ne trouvent pas de travail, étant en recherche depuis plusieurs mois et qui, aujourd’hui, se retrouvent dans l’urgence absolue de commencer à bâtir leur projet professionnel. Nous nous sommes également tournés vers un public plus âgé qui ne touchent pas d’autre indemnité que le RSA et pour qui la probabilité objective de réintégrer rapidement le monde de l’emploi est très faible.
HLC : Pour quelles raisons une entreprise comme Rémy Martin s'investit-elle dans une mission à caractère social ?
JC : Ma conviction personnelle est que l’entreprise n’a pas seulement une vocation économique, elle a également une vocation sociale, particulièrement dans le lieu où elle est implantée. Une responsabilité sociale vis-à-vis des collaborateurs mais aussi de leurs relations, de leur famille. Nous sommes un pourvoyeur important d’emplois dans la région et nous pensons devoir participer à la qualification des jeunes en ouvrant l’entreprise à des stagiaires, des missions intérim, CDD qui débouchent aussi sur des missions en CDI.
HLC : Le recrutement par simulation fait partie de cette mission sociale, en quoi consiste t'il ?
JC : Ce recrutement est uniquement basé sur une évaluation des aptitudes au travers de tests conçus en fonction du ou des postes de travail. Nous avons travaillé avec une équipe du Pôle Emploi d’Angoulême, ils se sont rendus sur nos sites, ont discuté avec le personnel, ils ont "compris" le poste de travail (les responsabilités, les missions, l’environnement global de l’activité) puis en fonction de cette observation, ils ont défini des habilités, une capacité, une aptitude que nous avons validées. Sur la base de cette validation, un test est construit, totalement sur mesure, en fonction des besoins de ce poste.
HLC : Le test ne porte que sur les capacités techniques ? Qu'en est-il de l'aptitude, la capacité à s'intégrer à une équipe ?
JC : Vous avez raison, c'est une dimension majeure du recrutement, nous avons chezRémy Martin ce que l'on appelle les compétences comportementales qui ont été mises en place chez nous depuis 2009, le Pôle Emploi fort de nos demandes a développé un test spécifique lié au comportement en groupe. Nous avons invité les candidats à assister à une présentation de l’entreprise et des postes, puis, sur la base du volontariat, elles ont, ou non, accepté de participer aux tests. C’est une étape importante pour ces personnes mais je remarque que le Pôle Emploi essaie de dédramatiser la situation en les encadrant, en insistant sur le fait que quel que soit le résultat, ces personnes se rapprochent de leurs compétences, de leurs capacités. De plus, le résultat, même s’il est négatif à ce test, permet en toute circonstance d’affiner leur projet professionnel.
HLC : Comment se déroule le recrutement ?
JC : Les candidats remplissent un questionnaire qui n’est pas rédactionnel mais plutôt lié à des critères d’observation ou de concentration, la capacité aussi à mémoriser les règles qui sont énoncées. Tous ces tests sont concomitants. Nous avons étalonné les épreuves en les faisant passer à nos collaborateurs en poste. Ayant obtenu une note moyenne, nous informons les candidats que nous recevrons en entretien d'embauche tous ceux qui auront au moins atteint 69% de la note moyenne obtenue par nos collaborateurs.
Nous les informons le plus possible sur le process en lui-même de recrutement mais aussi sur ce que j'appelle la "génétique" de l’entreprise, son histoire, sa culture. L'objectif étant de rendre plus humaine l’entreprise dans laquelle ils souhaitent rentrer, en ayant à l'esprit que cette dernière ressemble toujours aux hommes qui la composent, notamment avec ses méthodes de management, de communication mais aussi souvent une fierté commune, c’est le cas chez Rémy Martin. Nous les informons en amont de façon à ce qu’ils se sentent intéressés, motivés (et ce quelque soit le poste), facilitant par la même occasion leur intégration ultérieure en entreprise.
HLC : Durant l'entretien, vous attachez vous aux valeurs de la personne, à d'autres choses que sa technicité ou capacité ?
JC : Oui, bien entendu, c’est un facteur important, les valeurs personnelles du candidat sont souvent déterminantes. A qualification comparable, on remarque que ce sont souvent les valeurs du candidat qui l’emportent. Un candidat soucieux du bien commun, de l’esprit d’équipe ou de contribuer à la recherche du consensus est un bon élément dans une équipe, nous privilégions cette capacité à s’ouvrir aux autres et à créer un lien avec les collègues de travail. La différence c’est bien d’être soi même. Je conseille aux candidats en général de bien se connaître, de ne pas se renier…
HLC : Vous avez animé des ateliers destinés aux personnes en recherche d’emploi en travaillant avec eux l’estime de soi. Votre approche se décline autour de trois axes particulièrement positifs. Pourriez vous nous les rappeler ?
JC : Le premier d’entre eux, c’est la technique des petits pas en restant optimiste. Ne jamais perdre espoir et se dire qu’une route se dessinera quelque part et qu’en attendant, il est nécessaire de tout mettre en œuvre pendant cette phase de transition et se préparer au mieux à prendre telle ou telle voie. Se préparer, c'est aussi être prêt à saisir les opportunités.
La deuxième conseil : rompre l’isolement en s’oxygénant, sortir de la solitude et rompre le doute car comme vous le savez, le doute nourrit le doute. Retrouver la confiance dans le regard des autres, ses amis, sa famille. Malheureusement, notre société ne valorise qu’au travers de la réussite professionnelle et du niveau d’étude. A contrario, ils faudrait valoriser les candidats sur ce qu’ils font, ce qu’ils sont, leurs passions, réussites personnelles parce que cela a de la valeur. Une forme de bienveillance en somme.
Le troisième axe : le rire. Pas toujours très simple mais finalement, il relie très bien les deux premiers points. Vous connaissez ce dicton : celui qui ne rit jamais n’est pas quelqu’un de sérieux, rire traduit aussi une capacité à traduire une certaine émotivité, à rentrer en relation avec l’autre, à dédramatiser la complexité de nos sociétés.
HLC : Un mot pour conclure ?
JC : La difficulté dans une entreprise c’est de faire vivre ses valeurs en gardant à l’esprit l’objectif économique. Un bon moyen de faire vivre ses valeurs, c’est de transmettre quelque chose au candidat. Aussi chez Rémy-Martin, nous essayons de donner quelques conseils à ceux qui ne sont pas retenus en leur rappelant toujours que la roue tournera forcément un jour ou l'autre dans le bon sens.
HLC : Merci M. Charpentier, merci pour cet échange.
Très belle initiative ! Je ne peux être que d'accord avec la conviction de Monsieur Charpentier : une entreprise, surtout lorsqu'elle est un important employeur local, doit avoir aussi une vocation sociale.
RépondreSupprimerD'une grande rareté cet intérêt de mission sociale Mr Charpentier. Belle initiative à diffuser partout en France.
RépondreSupprimerJe ne peux m'empêcher de faire le lien entre l'expérience d'une entreprise dont chaque décision s'inscrit dans le temps (après tout, un investissement peut engager la qualité d'un produit qui sera dégusté par les prochaines générations) et la notion de transmission, la conscience du rôle social, sociétal d'un pourvoyeur d'emploi dans une région. Finalement, par la force des choses, la vision de ce type d'entreprise ne peut être que le moyen ou le long terme, laissant probablement par la même occasion le champ libre à des initiatives de ce type. Encore une fois, j'ai comme l'impression que le court termisme, l'exigence immédiate d'un résultat (souvent avant l'investissement) ne favorise malheureusement ni la solidarité ni la réconciliation de l'Entreprise avec la Société. A suivre :)
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